Tout le contenu
Mai
Vin Biologique
Catégorie : Billet d'humeurJusqu'au millésime 2011, les vins français issus de raisins produits en agriculture biologique ne pouvaient que revendiquer la mention "vin issu de raisins (de l'agriculture) biologique(s)" et, par dérogation, apposer le logo AB sur leurs étiquettes. Peu importaient les méthodes de vinification et d'élevage, pourvu qu'elles fussent autorisées. Ainsi, se retrouvaient sous cette bannière des vins faits selon des usages locaux, loyaux et constants et des vins fabriqués selon les standards et préconisations de l'œnologie moderne (intrants chimiques, modifications nano-technologiques des équilibres, artifices, traitements anti-naturels, etc.) réduisant, parfois à néant, la qualité biologique des raisins...
En février 2012, la législation européenne a défini, enfin, les règles de la vinification "biologique" des raisins biologiques afin de permettre aux viticulteurs qui les respecteront de revendiquer la toute nouvelle dénomination de vins biologiques et d'en informer le consommateur.
À dater du millésime 2012, donc, l'alternative laissée aux viticulteurs biologiques sera la suivante :
- Soit les vinifications de leurs raisins biologiques suivront les règles du cahier des charges de la vinification biologique européenne et, alors, leurs vins pourront revendiquer la dénomination "vin biologique" et afficher le logo bio européen (la feuille dessinée avec des étoiles),
- Soit leurs vinifications ne respecteront pas ces règles et leurs vins ne seront pas biologiques et ne pourront plus faire valoir la qualité biologique de leurs raisins.
Ce tout-ou-rien paraît parfaitement cohérent et, pourtant, ne l'est pas parce que si on ne peut que se féliciter de la disparition de la mention et du statut douteux du vin "issu de raisins biologiques" que certains industriels et financiers du vin ont su tordre, on ne peut que déplorer la permissivité des règles qui ont été écrites plus pour être approuvées par tous les États que pour garantir la qualité biologique du vin.
Pour simplifier, on peut énoncer que, désormais, seront biologiques les vins qui respecteront le cahier des charges européen qui définit ce qu'est un vin biologique. La boucle est bouclée et tout pourrait être pour le mieux dans le meilleurs des mondes où l'homme, qui est accessoirement consommateur, aurait été remis au centre. Mais il n'en est rien. Cette boucle est un cercle vicieux parce que ces règles ont été faites par les instances d'une constellation d'États dont la seule réelle communauté, voire finalité, est l'économie, la libre-circulation des marchandises, les profits.
Ainsi, on ne s'étonnera pas que les aspirations de la sphère que constituent les paysans-viticulteurs-vignerons biologiques ont été sacrifiées au profit (le mot est, ici, particulièrement juste) des intérêts de l'entente œnologues-industriels-financiers biologiques (le mot sonne, ici, parfaitement faux).
La grande braderie du vin biologique va pouvoir commencer. Derrière cette locution rassurante pour le consommateur, vont se multiplier les vins qui n'auront de biologiques que l'adjectif, au sens défini par un décret et non par le dictionnaire. La dérive sémantique se poursuit, donc, et on ne peut que s'en inquiéter. Il était, déjà, possible de désigner sous le nom de "vins d'appellations d'origines contrôlées", dont certains sont même "classés", des breuvages œno-chimiques dont les levures ne sont ni du millésime ni de l'origine (soit-disant contrôlée) revendiqués ! Après les noms et les noms propres, c'est, donc, aux adjectifs qu'on s'en prend, désormais ; ceux-là même qui nous permettaient de nuancer, d'expliquer, de répertorier. La tâche se complique : nous allons devoir dire, désormais, qu'il y a "vin biologique" et "vin biologique" et prendre le risque d'égarer le consommateur qui, le plus souvent, s'en tiendra à la définition règlementaire, ayant autre chose à faire de sa vie que de la consacrer à la compréhension des manœuvres politiques autour du vin. Pourtant, nous devrons le faire pour ceux qui se soucient de qu'ils respirent, de ce qu'ils boivent, de ce qu'ils mangent, de ce qu'ils vivent.
Pour notre part, nous nous engageons, dès cette année, dans la voie vers la certification Demeter®,de nos vins, la plus pure des chartes de vinification à notre connaissance, qui est la plus proche de ce que nous faisons depuis plus de dix ans.
Commentaires
Laisser un commentaire
Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *